Georges Brassens 1921–1981

Hecatombe

Au marche de Briv’-la-Gaillarde,
A propos de bottes d’oignons,
Quelques douzaines de gaillardes
Se crêpaient un jour le chignon.
À pied, à cheval, en voiture,
Les gendarmes, mal inspirés,
Vinrent pour tenter l’aventure
D’interrompre l’échauffouré.

Or, sous tous les cieux sans vergogne,
C’est un usag’ bien établi,
Dès qu’il s’agit d’ rosser les cognes
Tout l’ monde se réconcili’.
Ces furi’s, perdant tot’ me,
Se ruerent sur les guignols,
Et donnèrent, je vous l’assure,
Un spectacle assez croquignol

En voyant ces braves pandores
Être a deux doigts de succomber,
Moi j’ bichais, car je les adore
Sous la forme de macchabé’s
De la mansarde où je réside
J’ excitais les farouches bras
Des mégères gendarmecides
En criant: “Hip, hip, hip, hourra!”

Frénétiqu’ l’une d’ell’s attache
Le vieux maréchal des logis
Et lui fait crier: “Mort aux vaches!
Mort aux lois! Vive l’anarchi’ !
Une autre fourre avec rudesse
Le crâne d’un de ces lourdauds
Entre ses gigantesques fesses
Qu’elle serre comme un étau.

La plus grasse de ces femelles,
Ouvrant sa corsag’ dilaté,
Matraque à grands coup de mammelles
Ceux qui passent à sa porte
Ils tombent, tombent, tombent, tombent,
Et, s’lon les avis compétents,
Il parait que cett’ hécatombe
Fut la plus bell’ de tous les temps.

Jugeant enfin que leurs victimes
Avaient eu leur content de gnons.
Ces furi’s, comme outrage ultime
En retournant à leurs oignons,
Ces furi’s à peine si j’ose
Le dire tellement c’est bas,
Leurs auraient mêm’ coupe les choses
Par bonheur, ils n’en avaient pas!

Georges Brassens (1921–1981)

 

Hecatomb

In the Brive-la-Gaillarde market,
Apropos of a bunch of onions,
Several dozen strapping wenches
Had a real set-to one day.
On foot, on horseback, in a carriage
The coppers (not a good idea)
Came to have a go at the task
Of interrupting the affray.

Now naturally, under every sky,
It’s a well-established rule
That when it comes to beating up cops,
Everybody works together.
Those furies, losing all restraint,
Threw themselves upon the coppers
And created, you can take my word,
A pretty stirring spectacle.

And seeing those gallant constables
Within an inch of going under,
Me, I was thrilled, for I adore them
When they’re in the form of corpses.
From the garret where I live.
I urged on the ferocious arms
Of the cop-killing termagents,
Crying “Hip, hip, hip hooray.”

Frenziedly, one of them grabbed hold of
The old police sergeant heading the gang
And made him cry “Death to the Pigs!
Death to the Law! Vive Anarchy!”
Another gripped, unlady-like,
The cranium of one of the louts
In between her enormous thighs,
Bearing down on it like a vice.

The most obese of all the women,
Opening her distended bodice,
Bludgeoned with her swinging tits
Everyone coming within reach.
They tumbled, tumbled, tumbled down,
And according to informed opinion
The hecatomb that occurred that day,
Was simply the greatest of all time.

Judging finally that their victims
Had had their fill of whacks on the head,
These furies, as a final outrage
Before they went back to their onions,
These furies—I can hardly dare
Say it, it’s so truly gross—
Would even have cut off their things.
Luckily they didn’t have them.

Georges Brassens (1921–1981)
Tr. JF

 

Nun

Everyone is drawn to her white-winged headdress.
If the Christian feels its insidious appeal
The firmest pagan, the most upright atheist
Let themselves go at times and believe in God.—
And the choirboys’ little bells go tinkle tinkle.

It seems, though, that beneath that awesome headgear,
Which she puts on for mass so scrupulously,
The little sister hides—it’s a real scandal—
A ponytail and seductive little ringlets—
And the choir-boys are getting restless in their stalls.

It seems that underneath her big serge habit
She wears, coquette, a pair of silken stockings,
With lacy underwear and fancy trimmings,
Everything for the Devil to enjoy.—
And the choirboys start to have improper thoughts.

It seems that in the evening, like many others,
At a time when her fellow sisters have gone to bed
Or are piously trotting out their paternosters,
She strips in front of her tall dressing mirror—
And the poor choirboys burn with a real fever.

It seems that she leisurely studies her nude body,
From the front, in profile, and even, alas, from the rear,
After having casually hung her habit
From the arms of the cross, as though it were a clothes-stand.—
The devil is slipping in among the choirboys.

It seems that turning a knowing eye to the heavens,
She says,”Well, Lord, you did a pretty good job.”
Then she adds, with a further touch of malice,
“The curvature of the back’s a definite find.”—
And the choirboys are now in serious torment.

It seems that when midnight comes it’s even worse.
One hears mingling in a strange harmony
The love-struck voices of angels panting
And that of the sister crying, “Again! Again!”—
And the wretched choirboys are perspiring.

And monsieur le curé, whom these sounds dismay,
Tells himself correctly that the good Jesus
With his head, alas, already loaded with thorns,
Certainly doesn’t need something else added.—
And the choirboys, nodding their heads, agree

That this is all rumour, tittle-tattle, rubbish,
Malicious lies circulated by Satan,
No sexy ringlets under the white wings,
No pony-tail, only a shorn skull.—
And the choirboys’ faces show their feelings.

No abnormalities in that rigorous heart,
No ribbons under that severe habit.
One will never see those wings upon Christ’s head.
The lucky chap can rest on his cross in peace—
And the choirboys sadly masturbate.

Georges Brassens (1921–1981)
Tr. JF

 

La complainte des filles de joie.

Bien que ces vaches de bourgeois (bis)
Les appellent des filles de joi’, (bis)
C’est pas tous les jours qu’elles rigolent,
Parole, parole.
C’est pas tous les jours qu’ell’s rigolent.

Car, même avec des pieds de grues,
Fair’ les cent pas le longs des rues
C’est fatigant pour les guibolles,
Parole, parole,
C’est fatigant pour les guibolles.

Non seulement ell’s sont des cors,
C’est fou ce qu’ell’s usent de grolles,
Parole, parole,
C’est fou ce qu’ell’s usent de grolles.

Y a des clients, y a des salauds
Qui se trempent jamais dans l’eau.
Faut pourtant qu’elles les cajolent,
Parole, parole,
Faut pourtant qu’elles les cajolent.

Qu’ell’s leur fassent la courte echell’
Pour monter au septième ciel.
Les sous, croyez pas qu’ell’s les volent,
Parole, parole,
Les sous, croyez pas qu’ell’s les volent.

Ell’s sont meprisées du public.
Ell’s sont bousculées par les flics.
Et menacé’s de la vérole,
Parole, parole,
Et menacé’s de la vérole.

Bien qu’ tout’ la vie ell’s fass’nt l’amour,
Qu’ell’s se marient vingt fois pas jour,
La noce est jamais four leur fiole,
Parole, parole,
La noce est jamais pour leur fiole.

Fils de pécore et de minus,
Ris pas de la pauvre Vénus,
La pauvre vieille casserole,
Parole, parole,
Le pauvre vieille casserole.

Il s’en fallait de peu, mon cher,
Que cett’ putain ne fut ta mère,
Cette putain dont tu rigoles,
Parole, parole,
Cette putain dont tu rigoles.

Georges Brassens (1921–1981)

 

La religieuse

Tout les coeurs se rallient à sa blanche cornette;
Si le chrétien succombe à son charme insidieux,
Le païen le plus sur, l’athé’ le plus honnête
Se laisseraient alles prfois à croire en Dieu,
Et les enfants de choir font tinter leur sonnette…

Il parait que, dessous sa cornette fatale
Qu’elle arbore à la messe avec tant de rigeur,
Cette petite soeur cache, c’est un scandale!
Une queu’ de cheval et des accroche-coeurs.
Et les enfants de choeur s’agitent dans les stalles.

Il parait que, dessous son gros habit de bure,
Elle porte coquettement des bas de soi’,
Festons, frivolités, fanfreluches, guipures,
Enfin tout ce qu’il faut pour que le diable y soit.
Et les enfants de choeur ont la fièvre, les pauvres…

Il parait qu’à loisir elle se mire nue.
De face, de profil, et même, hélas! de dos,
Après avoir, sans gêne, accroché sa tenue
Aux branches de la croix comme au portmanteau.
Chez les enfants de choeur le malin d’insinue…

Il parait que, levant au ciel un oeil complice,
Ell’ dit: “Bravo, Seigneur, c’est du joli travail!”
Puis qu’elle ajoute avec encor plus de malice:
“La cambrure des reins, ça, c’est une trouvaille!”

Il parait qu’à minuit, bonne mêre, c’est pire:
On entend se mêler, dans d’étranges accords,
La voix enamouré’ des anges qui soupirent
Et celle de la soeur criant: “Encor! Encor!”
Et les enfants de choeur, les malheureux, transparent…

Et monsieur le curé, que ces bruits turlupinent,
Se dit avec raison que le brave Jesus
Avec sa tête, hélas! déjà chargé’ d’épines,
N’a certes pas besoin d’autre chose dessus.
Et les enfants de choeur, branlant du chef, opinent…

Tout ça, c’est des faux bruits, des ragots, des sornettes.
De basses calomni’s par Satan répandu’s.
Pas plus d’accroche-coeurs sous la blanche cornette
Que de queu’ de cheval, mais un crâne tondu.
Et les enfants de choeur en font, une binette…

Pas de troubles penchants dans ce coeur rigoriste,
Sous cet austère habit pas de rubans suspects.
On ne verra jamais la corne au front du Christ
—Le veinard sur sa croix peut s’endormir en paix—
Et les enfants de choeur se masturber, tout tristes…

Georges Brassens (1921–1981)